Ma chère fille,

Te voilà dans ta dix-neuvième année et je suis fière de te voir grandir en détermination et en délicatesse, en beauté de corps et d’esprit.
Je te souhaite de poursuivre ton chemin à ta guise et avec l’amitié.
Je te fais passer ces quelques mots à propos de mon histoire afin que tu les gardes comme un bout de ton histoire.
Paul et moi avons vécu un amour magnifique, nous nous sommes aimés avec fulgurance et à la fois, patiemment. Tu n'as pas eu le temps hélas, de faire bien connaissance avec ton papa, alors je souhaite aujourd'hui partager avec toi l'origine de ta naissance et te raconter les sentiments constituant de ma vie : la complicité et le respect.
Cette lettre, je l'ai tirée de mon journal de jeune fille... Je te la transmets aujourd’hui, un peu retapée, comme un témoignage de ma confiance en toi.
Que mes tendres baisers t'accompagnent toute ta vie.

J’ai une grande nouvelle. Trompettes sonnées, badauds bavés, je suis amoureuse de Paul !
Je suis amoureuse d’un homme curieux, dans tous les sens du terme.
Il voit des hérons argentés en plein vol au-dessus de la ville, il ne boit que du diabolo menthe, il dit char pour dire voiture, il regarde une personne comme un tableau de quattrocento, à coté du sujet central. Il a l’œil, n’est-ce pas ?.... Je sens qu’il va très très bien me convenir car ce gars s’intéresse à moi comme à une peinture, dans tous les détails !
Je suis heureuse. J’en perds quelques larmes.
Nous nous sommes séduits Paul et moi par de l’impalpable. Rien n’a été consommé, juste un baiser, mais il revient ce soir. Je vais me préparer à ma toilette consciencieusement, avec discrétion (sans parfum) et points d’ancrage (mes boucles d’oreille en nacre et corail) !
Va savoir, c’est peut-être ça, la séduction : l’imagination aux commandes avec le goût de la peau. (...)
Il est direct et délicat à la fois, il m’a posé 1000 questions timides et audacieuses sur ma maladie et je crois bien que j’ai écris 1000 pages pour raconter ma première crise, le 2 janvier 1970. Zou ! ça m’a fait un bien fou de lâcher tout ça, de raconter mon labeur, mon histoire. (…)
A son inquiétude, j'ai répondu à Paul qu’avec cette aphasie, j’avais reçu une forme d’avance sur la vie, j’ai appris tôt à me battre, et le courage est à deux doigts du sourire !
Je sens qu'avec cet homme, un bébé sera une merveilleuse preuve d’amour.
Je n’ai plus rien à me mettre, je pars courir les boutiques !
Adrienne Biancara
texte retabli par Hélène Grosso


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 mère et soeurs