Le Champ trouvé

d'Emilie Demon
accompagnée par Hélène Grosso


Je ne peux parler de mes grandes vacances d’été à Échallon sans évoquer mes escapades au Champ trouvé, propriété de mes arrières grands parents Grivat.
A cette époque, la ferme typique du Jura se composait d’une grande bâtisse située à l’orée de la forêt et logeait les hommes et les animaux. Ces derniers chauffaient les autres. Les habitants pendant l’hiver rude et neigeux pouvaient soigner les bêtes entre la grange attenante et l’écurie, sans sortir dehors. L’accès à la ferme par le chemin terreux restait vierge.

Avant la guerre de 40 au Champ trouvé, habitait l’oncle César, frère de Mémé. Cet homme à l’esprit jovial et instruit marchait le dos plié en angle droit, c’était curieux. D’autres enfants auraient pu penser qu’il était sorti d’un conte de fée où gardien de la forêt, il discutait avec les champignons et les lutins des prés.
Moi, je le voyais parler avec mon père et je voyais mon père attentif et curieux de ses histoires de l’autre siècle. Voilà ce qui m’impressionnait. C’était un sage, comprenant l’évolution du monde, technologique et humain. La sorcière, c’était peut-être sa femme… une vieille tante distante et peu causante, discrète et terne. Ce qui est certain, c’est que l’oncle César lui avait fait 4 enfants Claire, Blanche, Albert et Georges, et que ceux-ci donnaient toujours un écho joyeux à cette ambiance rustique !
C’est sans doute à cause de cette joyeuse bande que l’on se retrouvait fréquemment en belle équipe au Champ trouvé. Tous les copains copines, enfants du pays ou touristes, se retrouvaient pour jouer chez César. On allait ramasser des fraises des bois, des prunes sauvages, construisait des cabanes pour les oiseaux, les papillons, on jouait aux gendarmes et aux voleurs... Le jeu était sans frontière, idyllique, que ton père soit docteur ou agriculteur !
Quand nous jouions à la cachette dans la grange, il résonnait des éclats de rire et des cris bizarres. Pour me dénicher dans le foin, Georges imitait quelques cris burlesques et je ne pouvais m’empêcher d’éclater de rire.
Les parties de cache-cache était sans fin jusqu’au jour où un gamin fit une chute de deux mètres. A nos cris, César vint voir ce qui se passait et se rendit compte que le gamin souffrait. Il était tombé sur le foin, heureusement il n’y avait rien de cacher dessous, mais l’enfant pleurait et ne pouvait plus bouger à ce qu’il disait. Mon oncle fit appeler le docteur et envoya Georges prévenir ses parents. Le garçon était le fils d’un gros commerçant lyonnais en vacance à l’hôtel Brêt, il fallait s’expliquer. La mère était-elle au courant de l’escapade de son fils au Champ trouvé ? la chute était-elle grave ? qui allait payer les soins ? des sanctions seraient-elles envisagées ?... Nous n’en menions pas larges, les grands et les petits. Nous restions immobiles à l’entrée de la grange et attendions la suite de l’affaire. Je n’osais battre un cil et quand Albert se mit à rigoler de je ne sais quoi, je lui lançais mon regard le plus noir du haut de mes 7 ans.
Le garçon ne pleurait plus mais il avait une petite mine, le visage pâle et tremblant par à-coup. Il ne vit pas le chat s’approchant derrière lui et lorsque il se frotta à sa cuisse, le garçon cria de douleur, à moins que ce fut de surprise…
La maison entourée d’arbres fruitiers et d’une haie de phlox au parfum délicat, rose ou orangé, était fort accueillante. La grande table dehors attendait les amis, les parents, les voisins, tous ceux qui passaient dans ce lieu sans barrière, ni de barbelé ni de bois. L’oncle ou la tante malgré tous les travaux, prenait toujours le temps d’offrir le sirop de cassis de leur fabrication et parfois les confitures ou tartes de saison. Quand les parents du jeune blessé arrivèrent, la table mise en place pour le goûter les accueilla. Certainement cette image les délassa un peu, les couleurs chantaient la simplicité, la joie et la générosité. Elles semblaient dire que rien ne pouvait se passer de grave dans cette maison du Champ trouvé. Comme ils contournaient la bâtisse, l’oncle César apparut, leur garçon dans les bras. Le docteur les suivait et la bande de copains également, très sérieuse.

Un quart d’heure plus tard, nous étions tous autour de la table. L’inquiétude s’était presque dissipée, il ne s’agissait que d’une jambe cassée, plus de peur que de mal ! Bientôt les vacances reprendraient normalement et je continuerai l’aventure. J’irai encore sur le chariot d’Albert - superbe voiture en bois, avec frein et volant directionnel, j'irai m'asseoir sur cet engin précaire et je descendrai encore à toute allure le pré pour me retrouver après une envolée mémorable, dans le purin des vaches…

Les moments passés au Champ trouvé ont peuplé mon enfance d’une gaieté inoubliable !

Le Champ trouvé

d'Emilie Demon
accompagnée par Hélène Grosso


Je ne peux parler de mes grandes vacances d’été à Échallon sans évoquer mes escapades au Champ trouvé, propriété de mes arrières grands parents Grivat.
A cette époque, la ferme typique du Jura se composait d’une grande bâtisse située à l’orée de la forêt et logeait les hommes et les animaux. Ces derniers chauffaient les autres. Les habitants pendant l’hiver rude et neigeux pouvaient soigner les bêtes entre la grange attenante et l’écurie, sans sortir dehors. L’accès à la ferme par le chemin terreux restait vierge.

Avant la guerre de 40 au Champ trouvé, habitait l’oncle César, frère de Mémé. Cet homme à l’esprit jovial et instruit marchait le dos plié en angle droit, c’était curieux. D’autres enfants auraient pu penser qu’il était sorti d’un conte de fée où gardien de la forêt, il discutait avec les champignons et les lutins des prés.
Moi, je le voyais parler avec mon père et je voyais mon père attentif et curieux de ses histoires de l’autre siècle. Voilà ce qui m’impressionnait. C’était un sage, comprenant l’évolution du monde, technologique et humain. La sorcière, c’était peut-être sa femme… une vieille tante distante et peu causante, discrète et terne. Ce qui est certain, c’est que l’oncle César lui avait fait 4 enfants Claire, Blanche, Albert et Georges, et que ceux-ci donnaient toujours un écho joyeux à cette ambiance rustique !
C’est sans doute à cause de cette joyeuse bande que l’on se retrouvait fréquemment en belle équipe au Champ trouvé. Tous les copains copines, enfants du pays ou touristes, se retrouvaient pour jouer chez César. On allait ramasser des fraises des bois, des prunes sauvages, construisait des cabanes pour les oiseaux, les papillons, on jouait aux gendarmes et aux voleurs... Le jeu était sans frontière, idyllique, que ton père soit docteur ou agriculteur !
Quand nous jouions à la cachette dans la grange, il résonnait des éclats de rire et des cris bizarres. Pour me dénicher dans le foin, Georges imitait quelques cris burlesques et je ne pouvais m’empêcher d’éclater de rire.
Les parties de cache-cache était sans fin jusqu’au jour où un gamin fit une chute de deux mètres. A nos cris, César vint voir ce qui se passait et se rendit compte que le gamin souffrait. Il était tombé sur le foin, heureusement il n’y avait rien de cacher dessous, mais l’enfant pleurait et ne pouvait plus bouger à ce qu’il disait. Mon oncle fit appeler le docteur et envoya Georges prévenir ses parents. Le garçon était le fils d’un gros commerçant lyonnais en vacance à l’hôtel Brêt, il fallait s’expliquer. La mère était-elle au courant de l’escapade de son fils au Champ trouvé ? la chute était-elle grave ? qui allait payer les soins ? des sanctions seraient-elles envisagées ?... Nous n’en menions pas larges, les grands et les petits. Nous restions immobiles à l’entrée de la grange et attendions la suite de l’affaire. Je n’osais battre un cil et quand Albert se mit à rigoler de je ne sais quoi, je lui lançais mon regard le plus noir du haut de mes 7 ans.
Le garçon ne pleurait plus mais il avait une petite mine, le visage pâle et tremblant par à-coup. Il ne vit pas le chat s’approchant derrière lui et lorsque il se frotta à sa cuisse, le garçon cria de douleur, à moins que ce fut de surprise…
La maison entourée d’arbres fruitiers et d’une haie de phlox au parfum délicat, rose ou orangé, était fort accueillante. La grande table dehors attendait les amis, les parents, les voisins, tous ceux qui passaient dans ce lieu sans barrière, ni de barbelé ni de bois. L’oncle ou la tante malgré tous les travaux, prenait toujours le temps d’offrir le sirop de cassis de leur fabrication et parfois les confitures ou tartes de saison. Quand les parents du jeune blessé arrivèrent, la table mise en place pour le goûter les accueilla. Certainement cette image les délassa un peu, les couleurs chantaient la simplicité, la joie et la générosité. Elles semblaient dire que rien ne pouvait se passer de grave dans cette maison du Champ trouvé. Comme ils contournaient la bâtisse, l’oncle César apparut, leur garçon dans les bras. Le docteur les suivait et la bande de copains également, très sérieuse.

Un quart d’heure plus tard, nous étions tous autour de la table. L’inquiétude s’était presque dissipée, il ne s’agissait que d’une jambe cassée, plus de peur que de mal ! Bientôt les vacances reprendraient normalement et je continuerai l’aventure. J’irai encore sur le chariot d’Albert - superbe voiture en bois, avec frein et volant directionnel, j'irai m'asseoir sur cet engin précaire et je descendrai encore à toute allure le pré pour me retrouver après une envolée mémorable, dans le purin des vaches…

Les moments passés au Champ trouvé ont peuplé mon enfance d’une gaieté inoubliable !